Mes rencontres avec Ramsès
par
Christian Jacq

 

Quand j’ai rencontré Ramsès le Grand pour la première fois, j’avais dix-sept ans et lui, trente-trois siècles. C’était en Égypte, sur le site de l’antique Memphis, un jour d’hiver frais et ensoleillé ; à l’intérieur d’un bâtiment, moderne et laid, gisait un impressionnant colosse, allongé sur le dos.

Ramsès, dont le règne de soixante-sept années avait illuminé l’Égypte, au XIIIe siècle av. J.-C.

Ce colosse était autrefois debout, devant la façade d’un temple ; malgré cette posture indigne de sa majesté, il gardait les yeux ouverts pour l’éternité, et son sourire demeurait d’une extraordinaire sérénité, comme s’il était indifférent aux injures infligées par les hommes.

Fasciné, j’eus la certitude que ce colosse était porteur d’un univers qui méritait d’être exploré avec passion. Égyptologue débutant, je déchiffrai les hiéroglyphes permettant d’identifier Ramsès, « le Fils de Râ » (la lumière divine), et remarquai qu’il tenait dans son poing le testament des dieux, faisant de lui l’héritier légitime de la terre d’Égypte. Dès cet instant, je sus que j’écrirais un jour sur ce pharaon ; mais, pour y parvenir, l’homme et l’écrivain devraient traverser une longue période de maturation, et parcourir l’Égypte en tous sens, dans l’espace et dans le temps.

Cette rencontre fut celle de la puissance, non du simple pouvoir temporel exercé par un monarque, mais de la véritable puissance, résultant de la communion du pharaon avec les divinités. Quand elles voyaient Ramsès, dit un texte, leur cœur était en joie, et elles s’unissaient à lui pour rendre sa pensée divine et ses paroles efficaces, afin qu’il donne la vie aux êtres et rende son peuple heureux.

Et puis je vis Ramsès, non plus sa statue qui faisait du pharaon un être éternellement jeune, mais le vieillard dont la momie, conservée au musée du Caire, restituait les traits. Là reposait également son père, Séthi Ier. Incontestablement, un air de famille : autorité naturelle, volonté farouche et toujours cette puissance, ce regard qui transperce le visible pour ouvrir les portes de l’invisible.

Entre ces deux hommes régnait une profonde unité de pensée et d’action ; le père avait initié le fils à la fonction suprême, le fils avait prolongé l’œuvre du père en lui donnant une ampleur remarquable. L’état de conservation des visages ôte toute impression macabre ; transformés en Osiris, donc ressuscités, Séthi et Ramsès continuent à vivre dans le présent, comme s’ils avaient aboli le temps. La magie du roman ne consiste-t-elle pas à franchir l’obstacle des siècles pour faire revivre ces personnages irremplaçables, à la fois si lointains et si proches ?

Dans Le Fils de la lumière, j’évoque les années de formation du jeune Ramsès, tantôt désireux de devenir pharaon, tantôt conscient que cette tâche sera un poids trop lourd sur ses épaules. Séthi observe et impose épreuve après épreuve ; ce n’est pas seulement un fils qu’il doit éduquer, mais le futur maître d’un pays riche, gardien des plus hautes valeurs de civilisation. Et le parcours du jeune Ramsès sera des plus rudes.

C’est à Louxor qu’eut lieu la rencontre suivante. Louxor, à six cents kilomètres environ au sud du Caire, est le principal centre touristique de Haute-Égypte. Là se déployait, au Nouvel Empire, la magnificence de la première capitale de Ramsès, la grandiose « Thèbes aux cent portes ». Considérée comme la reine des villes du monde antique, Thèbes était aussi « l’œil du Créateur » et « l’œil de la lumière divine » ; elle s’incarnait dans une femme qui tirait à l’arc ; ainsi s’affirmait-elle comme « la puissante » et « la victorieuse », capable de repousser les forces des ténèbres. C’est à Thèbes que surgit, hors de l’océan primordial, la première butte de terre sur laquelle s’épanouirent les formes originelles de la création ; et c’est à Thèbes que fut édifié Karnak, l’immense sanctuaire dédié à Amon-Râ, le roi des dieux.

Qui pénètre dans la gigantesque salle à colonnes, l’hypostyle, du temple de Karnak, créée par Séthi Ier et Ramsès II, est frappé de stupeur. Cette architecture n’est pas conçue à la mesure de l’homme, mais destinée à rendre perceptible la puissance des divinités, présentes sur les colonnes et sur les murs. Lieu de recueillement, jadis plongé dans la pénombre, cette salle à colonnes est aussi un lieu d’enseignement ; en lisant les textes hiéroglyphiques, on découvre le nom et les fonctions des divinités, et l’on apprend comment leur faire offrande. Cette profusion de textes rappelle que Ramsès, comme tout pharaon, était un savant et un lettré, qui connaissait les secrets des hiéroglyphes, « les paroles de Dieu », grâce auxquels le mystère de la création pouvait être appréhendé.

 

L’obélisque de Louxor à la Concorde

 

Une allée de sphinx, chargés d’écarter les profanes, reliait le temple de Karnak à celui de Louxor. Au terme de ce chemin sacré, la vision de la façade de Louxor fut l’occasion d’une nouvelle rencontre avec Ramsès : devant les deux massifs du pylône, symbolisant les montagnes d’Orient et d’Occident, se trouvent des colosses à l’effigie de Ramsès et un obélisque, dont le rôle consiste à percer le ciel pour attirer des influences bénéfiques vers le sanctuaire. Le second obélisque de Louxor trône aujourd’hui au centre de la place de la Concorde, apportant à la grisaille parisienne un peu de lumière ramesside.

Louxor était le temple du ka royal, c’est-à-dire l’endroit où des ritualistes entretenaient l’énergie créatrice (le ka) de nature cosmique sans laquelle Pharaon eût été incapable de gouverner. Et ce n’est pas un hasard si Ramsès le Grand, le chantre de la puissance, a agrandi de manière spectaculaire l’admirable temple d’Amenhotep III. Le pylône franchi, on pénètre dans une cour où les statues de Ramsès sont autant de manifestations de son ka, dont la vitalité se multiplie ; et c’est à Louxor que l’on peut contempler l’un des plus beaux colosses représentant le monarque en majesté, assis sur son trône et coiffé de la double couronne qui marque sa souveraineté sur les Deux Terres, la Haute et la Basse-Égypte, qu’il a le devoir de maintenir unies.

La cour ramesside de Louxor, c’est aussi la célébration des fêtes, illustrée par une procession de porteurs d’offrande, comprenant plusieurs « fils » de Ramsès qui apportent aux divinités des bouquets montés, dont l’odeur suave ravira les puissances célestes.

A Karnak, à Louxor et en d’autres lieux ramessides, est évoquée l’activité guerrière de Ramsès II ; ce sont les dieux qui lui accordèrent le courage et la capacité de vaincre, et transmirent leur force à son bras. Aussi Ramsès place-t-il ses ennemis sous ses sandales pour les immobiliser à jamais, aussi chaque pays éprouve-t-il à son égard une crainte respectueuse qui l’amène à déposer les armes et à implorer la paix.

Comme Séthi, Ramsès tint à distance les Hittites, les ancêtres des Turcs, peuple guerrier, avide de conquêtes ; non contents de contrôler une partie de l’Asie, les Hittites avaient mis sur pied une formidable machine de guerre qui devait leur permettre de vaincre l’armée égyptienne et d’envahir les Deux Terres, aux richesses convoitées. Et ce fut la bataille de Kadesh, à laquelle je consacre le troisième tome de « Ramsès ». À Kadesh, en Syrie du Sud, se joua l’avenir de l’Égypte et des valeurs civilisatrices qu’elle incarnait.

Malgré ces vicissitudes, le but de Ramsès le Grand n’avait pas varié : il désirait la paix, seule garante de la prospérité. Et si le XIIIe siècle av. J.C. peut être appelé « le siècle de Ramsès », c’est précisément parce que ce roi parvint à pacifier le Proche-Orient et à faire vivre en bonne intelligence des peuples aussi divers et contrastés que les Égyptiens, les Libanais, les Palestiniens, les Syriens et les Hittites. Mais que de lucidité, d’obstination et de génie diplomatique fallut-il pour parvenir à ce résultat, qui peut encore servir de modèle aujourd’hui !

 

Visionnaire, Ramsès ?

 

Visionnaire, Ramsès ? Sans doute, mais surtout respectueux de la loi fondamentale de l’Égypte, celle de Maât. Le mot Maât se traduit par « Règle divine, vérité, justice, harmonie », toutes ces notions étant inséparables les unes des autres dans l’esprit d’un ancien Égyptien. « Faire Maât », la rendre présente sur terre, est le premier devoir d’un pharaon et de toute personne investie d’une responsabilité ; « faire Maât », c’est mettre l’ordre à la place du désordre, tisser des liens de solidarité et empêcher le fort d’opprimer le faible ; la paix ainsi obtenue est le résultat d’un combat permanent. Maât, « la Fille de la lumière divine », s’incarne dans une déesse et une plume d’oiseau. Lors du jugement de l’âme, elle est déposée dans l’un des plateaux de la balance, et le cœur de l’individu dans l’autre. Pour qu’Osiris et le tribunal divin rendent un verdict favorable, il faut que le cœur soit aussi léger que la plume de Maât. Si le poids des actes contraires à l’harmonie le rend trop lourd, l’individu sera condamné à la « seconde mort » et ne pourra voguer dans les paradis de l’autre monde.

Puissance et harmonie : elles s’imposèrent à moi lors d’une autre rencontre avec Ramsès, lorsque je découvris son « temple des millions d’années », le Ramesseum, édifié sur la rive occidentale de Thèbes. Pourtant, que de blessures ! Colosses fracassés – l’un d’eux pesait plus de mille tonnes – salles dévastées, pylônes et murs démantelés… Le Ramesseum n’est plus qu’une ruine grandiose dont les ultimes beautés, cependant, enchantent l’âme et lui procurent d’inoubliables émotions qu’Amelia Edwards, une voyageuse anglaise, résumait joliment en ces termes : « Dans le Ramesseum, chacun peut s’abandonner à la douceur de l’instant. »

Un superbe bas-relief montre Ramsès, assis sous le persea, arbre sacré de la très antique ville sainte d’Héliopolis, la cité du soleil. Atoum, le Créateur, Thot, le maître des hiéroglyphes, et Séchât, la régente de « la Maison de Vie », inscrivent sur les feuilles de l’arbre les noms de Ramsès. Ainsi, ils lui donnent vie et l’intègrent dans la confrérie des divinités.

Si, après Le Fils de la lumière, mon deuxième tome s’intitule Le Temple des millions d’années, c’est parce que Ramsès, dès le début de son règne, fut dans l’obligation d’entreprendre la construction d’un édifice magique, capable de produire du ka, énergie aussi immatérielle qu’active, dont il faisait une intense consommation. Ce temple était entouré d’une bibliothèque, d’un laboratoire, d’ateliers, de bureaux, de réserves d’objets rituels : bref, de tout ce qui était nécessaire au bien-être économique. Le sanctuaire n’était pas séparé des réalités quotidiennes, il les sublimait.

Souvent, lors de mes séjours en Égypte, j’ai fait une halte au Ramesseum. Malgré les destructions, les millions d’années de Ramsès continuent à « fatiguer le temps » et à perpétuer la mémoire de celui qui mettait en œuvre la lumière. Et comment ne pas songer à un autre « temple des millions d’années », celui de Séthi Ier, le père de Ramsès ? Situé à Gournah, non loin du Ramesseum, il a bénéficié d’un récent nettoyage qui rend bien lisibles ses superbes bas-reliefs. Dans l’une de ses chapelles, je lus à Françoise, mon épouse et ma compagne de toujours, les paroles de Séthi Ier, gravées dans la pierre : il annonce à son fils qu’il l’a choisi comme futur pharaon. C’est ici, dans le domaine de Séthi, que fut scellé le destin de Ramsès, Fils de la lumière.

Au « temple des millions d’années » correspondait une « demeure d’éternité », creusée dans la célèbre Vallée des Rois où fut découverte, intacte, la tombe de Toutankhamon, remplie d’inestimables richesses. Bien plus vaste, la tombe de Ramsès devait en contenir dix fois plus ! Elle fut malheureusement pillée, et le matériel funéraire dispersé. Une anecdote mérite d’être signalée : peu de temps après la parution du Fils de la lumière, qui inaugure mon épopée ramesside, trois événements archéologiques replacèrent Ramsès sur le devant de la scène. D’abord, la reprise de fouilles destinées à dégager enfin la tombe de Ramsès II des débris rocheux qui l’encombrent et empêchent de connaître la totalité des scènes et des textes ornant les murs ; ensuite, au terme d’une patiente restauration, la superbe tombe de Néfertari, grande épouse royale de Ramsès, fut rouverte et rendue accessible au public ; enfin, l’exploration de la tombe n°5 de la Vallée des Rois, jugée jusque-là sans intérêt, alors qu’elle est la plus vaste demeure d’éternité connue à ce jour. Cette tombe contenait un grand nombre de chapelles dédiées aux « fils » de Ramsès, et les fouilles, à peine commencées, réservent peut-être bien des surprises. D’ores et déjà, il apparaît que Ramsès a voulu que reposent auprès de lui un certain nombre de dignitaires et de fidèles auxquels il avait donné le titre de « fils royal ».

Néfertari, la belle d’entre les belles, la première grande épouse royale de Ramsès, la compagne qui vécut à ses côtés les plus rudes épreuves et les plus grandes joies, fut inhumée dans une tombe qui figure parmi les chefs-d’œuvre de l’art égyptien. La rencontrer, face aux divinités qui l’accueillent et la guident sur les chemins de l’autre monde, est une expérience inoubliable. La fonction pharaonique, ne l’oublions pas, est exercée par un couple royal ; « grande-de-magie », incarnation de la Règle, la grande épouse royale rendait efficientes la pensée et l’action du monarque, représentant terrestre du Créateur. Le couple que formèrent Ramsès et Néfertari fut l’un des plus remarquables de l’histoire égyptienne ; et j’eus l’occasion de les admirer, unis pour toujours, à Abou Simbel, en Nubie.

J’ai connu Abou Simbel avant que la construction du haut barrage d’Assouan n’engloutît la Nubie sous les eaux du monstrueux lac Nasser, cette Nubie que Ramsès avait tant aimée et couverte de temples et de chapelles, dont plusieurs furent submergés en même temps qu’un pays altier et brûlant. Et que dire de la détresse des Nubiens, contraints de quitter leur pays et de renoncer à leur culture ?

 

L’amour sublime de Ramsès pour Néfertari

 

En mettant fin au phénomène exceptionnel qu’était la crue du Nil, généreux dispensateur d’un limon fertile, le haut barrage n’a pas enrichi l’Egypte moderne ; déjà, on constate de multiples conséquences néfastes, et l’on s’inquiète pour l’avenir d’une terre qui, pendant des millénaires, avait su vivre au rythme du fleuve divin.

En raison de son caractère grandiose, Abou Simbel suscita l’émotion de la communauté scientifique ; aussi l’Unesco entreprit-il son sauvetage. Découpés bloc par bloc, puis remontés 200 m à l’ouest du site primitif et 65 m au-dessus pour échapper au lac destructeur, les deux temples d’Abou Simbel continuent à témoigner de l’amour sublime qui unissait Ramsès à Néfertari, de ce lien indestructible auquel le pharaon donna une traduction stupéfiante : deux sanctuaires creusés dans une falaise.

Celui qu’on nomme habituellement « le grand temple » est précédé de quatre colosses de Ramsès assis ; ils symbolisaient la domination du roi sur le cosmos, domination qui n’était pas due à la force brutale mais à la connaissance des lois mystérieuses de la création. Au cœur de la Nubie, Ramsès célèbre la naissance de la lumière dans laquelle il s’immerge ; installé sur « le trône des vivants », le monarque triomphe parce qu’il transmet la puissance d’un soleil qui brille en ce monde et dans l’autre. C’est pour lui, disent les textes, que les montagnes mirent au monde des pierres merveilleuses afin qu’il bâtisse des monuments magiques et vivants.

À l’intérieur de son temple d’Abou Simbel, Ramsès est transformé en Osiris et il ressuscite. Vainqueur des forces des ténèbres, il atteint cette sérénité que seule procure la communion avec le divin. Au fond du sanctuaire, dans le silence de la falaise, la statue de Ramsès trône précisément en compagnie de trois dieux : Amon-Râ, le maître de Thèbes ; Râ-Horakhty, celui d’Héliopolis ; Ptah, celui de Memphis. Thèbes, la capitale du Sud ; Memphis, celle du Nord ; Héliopolis, la vieille cité sainte : ces trois villes symbolisent l’Égypte entière. Et comme le révèlent les sages, « trois sont tous les dieux », car c’est par la connaissance de ce Trois que l’homme peut percevoir l’unité. Ramsès fut-il mégalomane au point de se croire l’égal des dieux ? Non, car ce n’est pas l’individu Ramsès qui est statufié, mais son ka, le principe indestructible de la royauté qui passe de pharaon en pharaon.

Après une nuit de méditation, face à ces quatre colosses, sous la nuit étoilée de Nubie, l’aube a un goût et un parfum d’acacia ; en elle surgit l’esprit de Ramsès, vainqueur, comme son astre protecteur, des démons du monde souterrain. Et nos pas nous mènent au « petit temple », dédié à Néfertari, « Celle pour qui le soleil se lève ». Grâce à un bas-relief représentant son couronnement, l’épouse de Ramsès s’affirme à jamais comme l’élue des déesses. La silhouette est élancée, presque irréelle, le visage apaisé, comme si la reine vivait dans un autre monde, où tout est lumière.

Abou Simbel est l’ultime victoire du couple royal. La puissance magique de leurs temples leur permit d’échapper à la destruction programmée par les promoteurs du haut barrage d’Assouan.

En fait, Ramsès n’est jamais sorti de l’actualité. Son seul nom incarne la grandeur et la pérennité de l’institution pharaonique, et il a traversé les siècles avec la vigueur du taureau sauvage que son père, Séthi Ier, lui avait appris à maîtriser.

 

Abou Simbel : joyaux du Grand Sud

 

Abou Simbel, joyaux du Grand Sud, s’ancre au plus profond de la tradition égyptienne et met en œuvre des forces divines que les Nubiens, fidèles au passé, vénérèrent longtemps après la disparition des derniers pharaons ; mais Ramsès n’oublia pas le nord du pays, le Delta, ouvert sur le monde méditerranéen et l’« Asie », à laquelle donnait accès le couloir syro-palestinien. C’est à proximité de la frontière nord-est qu’il fit bâtir une nouvelle capitale, Pi-Ramsès, « la Cité de Ramsès », desservie par des canaux où abondaient les poissons, entourée de champs verdoyants, de vergers donnant des fruits au goût de miel et de vignes produisant un grand cru réputé ; à Pi-Ramsès étaient célébrées les fêtes du ciel et de la terre.

Cette cité aux allures de paradis a disparu, succombant sous les coups des envahisseurs, des pillards et des fellahs qui démantelèrent les édifices sacrés pierre par pierre et les demeures privées brique par brique. Pourtant, il est encore possible de percevoir un écho de Pi-Ramsès sur un site du Delta peu fréquenté, Tanis, proche du lac Menzaleh. Le vent y est porteur de senteurs marines, l’hiver s’y montre parfois rigoureux et la nostalgie y règne en souveraine au regard perdu dans les étendues encore à fouiller. Colosses dégradés, obélisques couchés sur le sol, blocs de granit épars proviennent, en grande partie, de Pi-Ramsès d’où ils furent amenés pour orner Tanis, capitale de l’Égypte du crépuscule. Les souverains de cette époque troublée s’en remettaient à Ramsès, avec l’espoir qu’il leur offrît un peu de sa puissance pour conforter leur pouvoir.

En parcourant ces ruines, en laissant le regard s’attarder sur cette scène où l’on voit Ramsès présenter aux divinités la déesse Maât, en écoutant les paroles de ces pierres qui ont tant à dire, on voit surgir la silhouette d’un pharaon au quotidien qui, tout en étant l’intermédiaire entre le ciel et la terre, s’occupe des affaires de l’État, règle mille et un problèmes, petits et grands, veille au bien-être de la population, prône la meilleure justice possible, protège son pays des agressions extérieures et des complots internes, et constate, comme le Maître du Jeu des perles de verre, le roman de Hermann Hesse : « La journée comporte plus de tâches que d’heures ; c’est bien ainsi, et il ne saurait en être autrement. »

Rencontrer Ramsès n’incite ni à la désespérance ni à la mollesse ; lorsque j’ai entrepris la rédaction de cette épopée, j’ai eu conscience que la mémoire du pharaon mettrait à l’épreuve un scribe du XXe siècle qui devait s’engager dans l’aventure avec enthousiasme.

Avec Ramsès, il faudrait affronter un taureau sauvage, dompter un lion, parcourir le désert à la recherche de l’or, explorer les solitudes de Nubie, combattre les guerriers hittites, échapper aux pièges de l’ambition, de la jalousie et de la magie noire, bâtir des temples et, coûte que coûte, continuer à faire rayonner cette lumière qui donnait tout son sens à la civilisation égyptienne. Et, grâce à l’union de Ramsès et de Néfertari, vivre un amour sans limites.

Le Fils de la lumière, Le Temple des millions d’années, La Bataille de Kadesh, La Dame d’Abou Simbel, Sous l’acacia d’Occident : les titres des cinq volumes de « Ramsès » se sont imposés avec force, comme autant d’étapes du destin de Ramsès le Grand. Et il me fallait publier ces cinq volumes en l’espace de quinze mois, parce que le sujet l’exigeait. Une entreprise littéraire singulière, mais exaltante.

Ramsès, ou le bonheur d’être. Ramsès, ou la puissance au service de la lumière. Ramsès, ou l’accomplissement d’un destin qui illumine la condition humaine. Puissent mes lecteurs, eux aussi, rencontrer Ramsès.



[1]En Égypte ancienne, un harem n’était pas une prison dorée pour jolies femmes, mais une grande institution économique que nous décrirons plus loin.

[2]Une centaine de kilomètres au sud-ouest du Caire.

[3]Le peuple hittite habitait la Turquie actuelle.

[4]C’est-à-dire la Haute et la Basse-Égypte ; située à leur jonction, Memphis incarnait le pôle d’équilibre du pays.

[5]Horus et Seth, les deux frères qui se partagèrent l’univers et l’Égypte, en fonction du jugement des dieux.

[6]Nous conservons les noms modernes, Sinaï et Sérabit el-Khadim, pour faciliter la description. Ce dernier site se trouve au sud de la péninsule du Sinaï, à 160 km du golfe de Suez.

[7]Ce terme signifie : « la Brûlante ».

[8]Roseau commun en Égypte ancienne.

[9]Intitulé à tort « Livre des morts ».

[10]Précisément Khâ-em-Ouaset, « Celui qui apparaît dans Thèbes ».

Le fils de la lumière
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